mardi 27 septembre 2011

Jonathan - Cosey

Je flânais devant les revues de l'un des relay de la gare de Lyon en attendant le RER hier quand mon regard a été attiré par la couverture d'un magazine que je ne connaissais pas "l'immanquable".

 Le dessin en couverture, les mots "Jonathan", "Cosey" me rappelaient de vieux souvenirs. En feuilletant la revue j'apprends qu'un nouveau volume des aventures de Jonathan va sortir en novembre. J'attends ça avec impatience !
Les aventures de Jonathan... c'est toute une époque qui me revient.
Dans un entretien, il dit avoir été influencé par Hugo Pratt. Ce n'est pas étonnant, le beau marin et le montagnard amnésique promènent tous deux leur nostalgie indéfinissable dans des pays exotiques, raison pour laquelle, sans doute, je me suis attaché à eux.







J'ai encore plus aimé les autres albums de Cosey :

Orchidea est l'histoire de deux frères et d'une soeur partant à la recherche de leur père disparu de sa maison de retraite.
Très touchant.
A le recherche de Peter Pan est un diptyque. C'est le premier que j'ai lu hors la série des Jonathan.
Une histoire de montagne, d'avalanche menaçante...
J'ai beaucoup aimé aussi "le voyage en Italie" dont je n'ai pas trouvé d'image. Une histoire de deux frères amoureux de la même fille.  

dimanche 25 septembre 2011

Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde

"C'est très ennuyeux de croire. Et très passionnant de douter.
Être en état d'alerte, c'est vivre ; se laisser bercer
par un sentiment de sécurité, c'est mourir."
Les murs de l'exposition sur l'"aesthetic movement", au musée d'Orsay en ce moment, sont parsemés de citations d'Oscar Wilde. J'ai particulièrement aimé celle-ci.
Ce mouvement a succédé au préraphaélisme, dont j'ai visité une exposition au même endroit en avril dernier et où j'ai découvert Julia Margaret Cameron. De nombreux artistes sont communs aux deux mouvements.
Voici quelques œuvres tirées du site de l'exposition dont les explications sont très complètes et intéressantes. :

Thomas Armstrong (1832-1911) le champs de foin 1869
Frederic Leighton (1830-1896) Pavonia 1858-59
James McNeill Whistler (1834-1903) Symphonie en blanc n°2 la petite fille blanche 1864
Edward Burne-Jones (1833-1898) Laus Veneris 1873-78

William Blake Richmond - Mrs Luke Ionides
Edward Burne-Jones (1833-1898) La roue de la fortune 1883
 
Maxwell Armfield (1881-1972) Faustine 1900-04
Napoleon Sarony (1821-1896) Portrait d'Oscar Wilde 1882
Aubrey Beardsley (1872-1898) L'apogée - illustration pour Salomé d'Oscar Wilde
A noter aussi que ce mouvement a eu une influence importante sur le "design" des meubles, des vêtements... De nombreuses pièces sont présentées.

mercredi 21 septembre 2011

La longue saison

Certain silence
C’est de l’hiver
Qui prend son temps
Et pose sur toute chose
Son fin linceul de blanc
Où dorment
Dessous
Ces sentiments remis à d’autres mondes

Seule va flottant dessus
Une solitude endimanchée
Murmurant sa prière
Au beau visage enfoui
Que rien ne cache
Ni aucun mur
Ni la froidure
Ni même l’oubli

... il fait trop doux

Très beau poème... très doux...
Il est de Jean...
Je ne sais pas qui est Jean, 
je sais juste qu'il écrit des textes sur son blog 
On est là mais ça ne durera pas. On peut toujours sourire du reste...

La photo d'une forêt en hiver est tiré du blog "Terre et ciel"
 

samedi 17 septembre 2011

Melancholia - Lars von Trier


Vu Melancholia hier soir.
Je ne pouvais qu'être sensible au parallèle entre la mélancolie et cette histoire de fin du monde à laquelle on se laisse délicieusement prendre dans le huis clos protecteur et mortifère des deux sœurs et du petit garçon.
Mais ce qui reste encore le plus gravé en moi aujourd'hui, ce sont ces images.
« la façon dont la lumière s’éteint dans les yeux »
"Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys"
Rimbaud
L’Ophélie de John Everett Millais est devenue la Justine de Lars von Trier, une mélancolique dont le corps se teinte de bleu dans cette étreinte avec Saturne.
J'aime le geste de Justine, un très ancien souvenir qui me revient...



La critique que j'ai trouvé la plus éclairante est celle de Anne-Violaine Houcke dans Critikat.
J'en reproduit un large extrait ici :

"Melancholia est un film en deux parties, sobrement intitulées « Justine », et « Claire », du nom des deux sœurs qui gravitent dans l’espace du film. Chaque sœur a sa planète : Claire (Charlotte Gainsbourg) a la Terre, Justine (Kirsten Dunst) a Saturne. C’est un « diptyque », donc (puisque l’iconographie picturale a la part belle dans le film). Renommons les deux volets du diptyque. Première partie : La Terre. Seconde partie : Saturne. Mais les deux volets se regardent, se répondent. Miroir. Échos.

La Terre

La première partie est la descendante directe de Festen, mais sur un mode « spectaculaire ». « Spectaculaire », car Justine épouse Michael (Alexander Skarsgård), et tout mariage est une mise en scène. Surtout celui-ci, organisé dans les moindres détails par Claire, dans la somptueuse maison sur un golf qu’elle habite avec son mari John (Kiefer Sutherland). Le mariage fonctionne comme la métonymie du système social dans son ensemble : il en est le symbole, la manifestation la plus éclatante des mécanismes par lesquels la société reconduit, affirme et expose les codes qui la régissent. Mais alors que, dans Festen, tout éclatait au grand jour, ici, tout reste en sourdine. Car nous ne sommes pas, précisément, dans l’intimité familiale : tout le monde ici est en représentation dans les salles illuminées de la splendide demeure. Pourtant, la belle ordonnance du mariage se fissure de part en part : ainsi, la mariée et la mère partent prendre un bain alors même qu’on attend Justine pour le grand moment de la pièce montée. Les chambres de la maison, ses couloirs, sont autant de coulisses où l’on enlève, justement, ses habits de parade, où les masques tombent. Le père (John Hurt), sorte de fou du roi plutôt que roi, qui s’enfuit dans la nuit au moment où Justine a le plus besoin de lui. La mère, une Charlotte Rampling incroyablement haineuse, monstre glacial et désabusé. Et l’amour-haine qui attache Claire à cette sœur apparemment si fragile. Au cœur de la fête aussi, en réalité, les signes des tensions qui gangrènent les relations familiales, mais aussi sociales (professionnelles notamment), sont bien visibles. Mais Lars von Trier montre remarquablement à quel point les invités savent ne pas les voir. Les signes du délitement de la fête s’accumulent. Délitement accentué, dans la mise en scène, par le mouvement incessant de la caméra portée à l’épaule, et par les coupes brusques qui créent un univers chaotique là où l’ordre tente, envers et contre tout, de régner. Mais la fête continue, comme si de rien n’était, provoquant un très profond sentiment de malaise.
Charlotte Gainsbourg est ici à mille lieues du rôle qu’elle incarnait dans le dernier film du réalisateur danois, Antichrist. Tout comme Melancholia est a mille lieues de ce précédent film, hystérique. L’état dépressif n’est plus sien : c’est celui de sa sœur, Justine. Et encore, la dépression n’est que la manifestation apparente d’un état d’âme bien précis : la mélancolie. Claire, au contraire, est, risquons le jeu de mot, « terre-à-terre » : elle est la figure de la raison – de la science, même, par laquelle elle tentera de se rassurer dans la seconde partie. C’est elle qui a organisé, à la minute près, la cérémonie du mariage, et qui ne cesse de ramener sa sœur à l’intérieur de ce cadre strict. Difficile pari, quand la mariée arrive avec deux heures de retard à sa propre fête, qu’elle décide de prendre un bain au beau milieu de la soirée, ou qu’elle s’échappe dans la nuit profonde du golf.

Elle flotte comme un grand lys

Justine, justement, est évanescente. Absente à ce monde, sans cesse évanouie, sans cesse en voie de disparition. Elle assiste à son mariage, malgré elle, plutôt qu’elle ne se marie : elle y participe, tel un automate au mécanisme sans cesse remonté par sa sœur Claire, pour éviter qu’il ne tombe et ne quitte la piste. On ne peut que se réjouir du choix de Kirsten Dunst (Prix d’interprétation féminine à Cannes), dont la blondeur et la peau diaphane lui permettent de traverser le film comme en flottant.
Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys
écrivait Rimbaud. Le tableau du peintre préraphaélite qui donna à l’héroïne d’Hamlet sa représentation la plus connue, John Everett Millais, fait d’ailleurs partie du merveilleux prologue du film, qui fait se succéder des œuvres « canoniques » (la Melencolia de Dürer par exemple) et des plans-tableaux sidérants d’une Justine flottant dans des univers symboliques (et symbolistes), dans des atmosphères d’un lyrisme inouï. Lars von Trier rattache Justine à un monde qui tient à la fois du romantisme littéraire et de l’expressionnisme cinématographique (le second étant de toute façon un héritier du premier). La mélancolie, cette maladie qui l’isole du commun des mortels, fait affleurer le fantastique dans le film. Or, c’est précisément là que tient le génie de Lars von Trier : en ancrant profondément les manifestations symptomatiques de la maladie dans le contexte d’une oppressante et hypocrite mise en scène sociale – le mariage de Justine –, il inscrit tout le développement de son film dans un cadre très réaliste qui va pourtant insensiblement nous tirer peu à peu vers une dimension fantastique, qui s’épanouit alors dans la seconde partie.
D’une certaine manière, on pourrait dire qu’il réussit alors le film-catastrophe le plus angoissant qui ait été réalisé. Justine n’est pas folle, capricieuse ou même dépressive. Dans la théorie des humeurs d’Hippocrate, la mélancolie est un excès de bile noire (des termes grecs « mélas », la bile, et « kholé », noire), dont l’excès entraîne un sentiment intense de tristesse, de détachement d’un monde dont le sujet mélancolique perçoit la vanité. Dans la cosmologie, la planète de la mélancolie est justement Saturne. Piégée dans ce bain de conventions et de rites sociaux, Justine ne peut que sombrer dans un état de plus en plus dépressif, et il ne serait pas absurde de penser que le rapprochement de la planète Saturne n’est que la réponse à un appel que tout son corps lance à la destruction de ce tissu de rites, de codes qu’est la Terre. Non pas une création de l’esprit (dans la seconde partie, nous ne sommes pas dans le cerveau d’une malade), mais, réellement, une production de son état d’âme. Les mélancoliques sont des génies, des artistes : c’est là le sens véritable de cette seconde partie, qui n’est autre que l’arrivée de cette âme-sœur que Justine appelle de tous ses vœux. Et que sa véritable sœur, Claire, redoute de toutes ses forces. Saturne est aussi, de ce point de vue, la rivale qui vient enlever Justine à Claire. Justine la mélancolique est donc la véritable artiste de la seconde partie : c’est elle qui génère ces images d’une stupéfiante beauté, ces « clairs de Saturne », pourrait-on dire, qui illuminent la nuit et le golfe d’une lumière surnaturelle. C’est elle, peut-être, qui fait résonner l’air somptueux du Tristan et Isolde de Wagner. Tout comme c’est elle qui construit, avec le fils de Claire, cette tente magique dans laquelle ils attendront la fin du monde. Tout est dit ici : la mélancolique et l’enfant sont les deux seuls êtres du film à n’être pas encore conditionnés par le système social. Les deux seuls aussi à conserver en eux un imaginaire créateur.

« Et quand il eut dépassé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre [1] »

Si Lars von Trier n’avait plus à prouver qu’il était maître dans l’art de la mise en espace, jamais, peut-être, il n’aura atteint une telle maîtrise. À l’intérieur d’un même décor, le réalisateur construit deux espaces opposés. Melancholia est un huis clos, ou plutôt deux huis clos dans un même lieu : le golf, et surtout la riche demeure qui le surplombe. Comme dans les romans gothiques puis romantiques, comme dans le cinéma expressionniste, la demeure isolée s’avère être un piège, pour Justine dans la première partie, pour Claire dans la seconde. Dans la première scène du film, Justine, tout juste mariée, approche de la maison dans une limousine blanche avec son époux : mais la voiture est bloquée à un virage, il est impossible d’aller plus loin, il va falloir continuer le chemin seul, à pied. C’est là le premier signe de la nature fantastique du lieu dans lequel elle se rend. Songeons au passage de Hutter dans le domaine sur lequel règne Nosferatu, dans le film de Murnau.
Piégée dans ce haut-lieu des conventions, Justine s’en échappe, comme aimantée par Saturne. Sur l’immense étendue devant la demeure, la lumière est bleuâtre, émanant de Saturne, et les ombres sont doubles, l’une projetée par la lune, et l’autre par la planète de la mélancolie. Quand Justine marche sur l’herbe, elle n’a qu’une ombre : étrange effet d’éclairage, qui nous ramène tout droit aux éclairages fantastiques de l’expressionnisme cinématographique. À l’inverse, dans la seconde partie, Claire ne parviendra pas à quitter ce château, désormais vidée de ses invités, et dont les grandes salles vides ne résonnent désormais plus que des hennissements des chevaux. Bruits de mauvais augure. C’est, très symboliquement, un pont que le cheval de Claire refuse à deux reprises de franchir, lui refusant de quitter le lieu. Le piège se referme, l’étau se resserre. Sa manifestation la plus oppressante, littéralement, est cet air qui se raréfie à l’approche de la planète, et qui fait suffoquer Claire. Il ne s’agit pas là que d’un indice de la menace qui s’approche : c’est la mort déjà à l’œuvre. Justine le sait depuis le début, le mélancolique étant un clairvoyant. Et nous le savons, nous aussi, qui avons vu le prologue.

Apokalupsis

La seconde partie, donc, déplie le film dans son prolongement catastrophiste, et Lars von Trier nous offre sans aucun doute une des belles fins de films de l’histoire du cinéma. La structure dramatique de cette partie repose entièrement sur « la danse de la mort » que Saturne effectue avec la Terre : elle s’en approche une première fois, la contourne, s’en éloigne, avant de retourner pour la heurter de plein fouet, comme dans une parade de séduction. Danse de désir et de mort, donc, Eros et Thanatos. La tension suit ces courbes décrites par la planète, tension palpable dans le visage contracté de Charlotte Gainsbourg et dans ses gestes brusques, et l’angoisse se glisse aussi imperceptiblement en nous, grâce à la bande-son qui relaie les réactions de la nature à l’approche du danger. On entend inconsciemment les chevaux hennir bien avant d’en avoir conscience, et l’angoisse est déjà là. C’est sur ce mode que Lars von Trier réussit la somptueuse scène finale. Jamais on aura si bien montré que la force de l’image réside peut-être moins dans ce qu’elle montre que dans ce qu’elle suggère : en d’autres termes que le hors-champ est bien ce qui vient habiter l’image, en ce qu’il y dissémine ses signes : traces d’une présence encore absente, mais qui menace d’envahir le champ. Alors que Saturne approche désormais irrémédiablement, la caméra cadre les deux sœurs et le petit garçon, blottis sous la tente magique construite par Justine, et c’est sur leurs visages que l’on voit la collision se produire. C’est seulement à cet instant que Lars von Trier se permet de faire passer plein champ l’image de l’apocalypse. Le mot apokalupsis signifie en grec : révélation, enlèvement du voile.
Par le titre qu’il a choisi, Lars von Trier s’est inscrit d’emblée dans une filiation philosophique, littéraire, esthétique et iconographique extrêmement riche, mais dont la richesse même a pu conduire à « dévitaliser » le thème même de la mélancolie. En d’autres termes, à favoriser la naissance de clichés. Le prologue du film revendique ouvertement la filiation iconographique, et le film lui-même, en quelques-unes de ses scènes les plus évocatrices, joue de cette iconographie, en la revitalisant. Ainsi, lorsque Justine, dans la première partie, remplace tout à coup les reproductions qui sont présentées dans le bureau de son père – des tableaux abstraits – par des peintures figuratives qui expriment son état d’âme. Plus discrètement, dans la seconde partie, alors que Saturne est toute proche, Claire part à la recherche de Justine, qu’elle retrouve allongée au bord de l’eau, au milieu des plantes aquatiques, offrant son corps nu à la planète bleue. L’Ophélie de John Everett Millais est devenue la Justine de Lars von Trier, une mélancolique dont le corps se teinte de bleu dans cette étreinte avec Saturne.
Anne-Violaine Houcke

Notes

[1] Cette phrase indique, dans Nosferatu (Murnau, 1922) l’entrée de Hutter sur les terres du vampire. Territoire mystérieux et surnaturel, où les phénomènes n’obéissent plus aux lois terrestres.


mardi 13 septembre 2011

12 septembre 1966 | Giuseppe Ungaretti


Trouvé ce très beau poème et ce tableau qui le complète bien sur le site "Terre des femmes" d'Angèle Paoli (on y trouve en particulier l'original en italien)
Egon Schiele, Wally in a Red Blouse with Raised Knees, 1913
Watercolor, gouache, and pencil on paper, 32,1 x 48,8 cm
New York, Serge Sabarsky Collection
12 SEPTEMBRE 1966
T
u es apparue à la porte
Vêtue de rouge
Pour me dire que tu es feu
Qui consume et renflamme.

Une épine m’a piqué
De l’une de tes roses rouges
Pour que tu suces à mon doigt
Un sang déjà presque tien.

Nous avons suivi la rue
Que lacère la verdeur
De la colline sauvage
Mais depuis longtemps je savais
Que de qui souffre avec foi téméraire
L’âge pour vaincre ne compte.

On était un lundi,
Pour nous prendre les mains
Et nous parler heureux
Il ne fut d’autre refuge
Que ce triste jardin
De la ville convulsée.


Giuseppe Ungaretti, Dialogue 1966-1968, in Derniers poèmes 1966-1970, in Vie d’un homme, Poésie 1914-1970, Éditions de Minuit-Gallimard, Collection Poésie, 1981, rééd. 2000, page 301. Préface de Philippe Jaccottet. Traduction de Philippe Jaccottet.

les neuf poèmes du recueil Dialogo sont dédiés à la poète brésilienne Bruna Bianco (née en 1940), dont Giuseppe Ungaretti fut amoureux dans ses « vieux jours ». Les cinq « réponses poétiques » de Bruna Bianco figurent dans l’édition italienne de Vita d’un uomo. Tutte le poesie (Mondadori, Collection I Meridiani, 1969, rééd. 2009, pp. 295-317, édition établie par Carlo Ossola) et dans l'édition française référencée ci-dessus, dans une traduction de Philippe Jaccottet.

dimanche 11 septembre 2011

The Tree of life - Terrence Malick

Bouleversant !
Quelques images et extraits de critiques qui traduisent l'émotion profonde que j'ai éprouvée :

"Regarder par soi-même, voilà pourtant le credo de Malick, qui contrairement aux idées reçues, ne donne à voir le monde qu’à travers les yeux de ses personnages, tantôt accueillant, tantôt menaçant."
"Regarder par soi-même, c’est avant tout découvrir que Malick ne joue pas l’état de nature contre la société, la guerre contre la concorde, l’amour contre le Mal, qu’en somme il ne joue jamais contre : ce qui se donne à voir au sein des nombreux couples d’oppositions qu’il agence, c’est bien la pluralité du monde et l’extrême douleur, l’extrême beauté, naissant de ses contradictions dépeintes sans aucun manichéisme (il n’est pas Spielberg) ni aucun jugement moral (il n’est pas davantage Kubrick)."
"Si l’œuvre malickienne arpente en tous sens  l’empire des signes, avec un émerveillement jamais tari, ses questions restent insolubles, et leur répétition presque douloureuse, portées par les multiples voix-off qui déroulent le récit de ces cinq films : est-il possible qu’ensemble, ces signes fassent sens ? Y a-t-il une unité derrière le multiple ? Quelle serait la nature du principe qui permet ainsi tout et son contraire, qui donne et reprend sans cesse ?" 
"C'est bien parce qu'il demeure sous l'emprise de la multiplicité des formes tout en ayant gardé la nostalgie de leur réconciliation, que Terrence Malick est le plus grand cinéaste en activité."
Ces passages sont de  Ludovic Maubreuil sur ce blog.
  
"The Tree of Life couple les souffrances de Job et la thématique de la relation père-fils en tissant un récit de l’enfance dont le point culminant serait la fin de l’âge d’or ou la Chute : la révélation brutale d’un monde imparfait, nullement protégé par Dieu, et traversé par la mort et la violence, la douleur et la tragédie."
"Au travers de son acceptation d’un Dieu impuissant et d’une création imparfaite, Jack se révèle ainsi être le double de Job, ce personnage biblique qui, dans son désarroi, confronte Dieu, puis se résigne. Toutefois, l’histoire de Job telle qu’elle est contée dans The Tree of Life substitue à l’idée d’une résignation celle d’une révolte silencieuse, où s’entremêle la foi et le questionnement perpétuel. Malick, ce grand cinéaste de la voix off, a de nouveau tissé une œuvre magistrale à partir d’une polyphonie de voix hors-champ, qui semblent ici nier le silence apparent de Job : la double voix off de Jack, qui tantôt s’adresse à nous en commentant les images de son enfance, tantôt s’adresse à Dieu en l’interrogeant sur son Œuvre. À cette voix oscillant entre le souvenir et la confrontation, s’ajoute la voix off de la mère – avec laquelle s’ouvre et se clôt The Tree of Life – qui s’adresse autant à ses enfants qu’aux spectateurs ; cette voix féminine du commencement et de la fin ne cessera d’évoquer la foi, qu’elle nomme la voie de la grâce : la possibilité d’un monde régi par l’amour et la beauté."
 Cette fois c'est une critique, que j'ai trouvée très complète et intéressante, de Jennifer Cazenave sur cet autre blog.

"The Tree of Life, le seulement cinquième film de ce cinéaste de 67 ans, s’ouvre sur la voix de Jessica Chastain, qui nous confie avoir appris chez les sœurs qu’« il y a deux voies dans l’existence : la voie de la nature et la voie de la grâce. Il vous faut choisir celle que vous suivrez ». Quiconque connaît l’œuvre de Terrence Malick, ne s’étonnera pas de cette introduction chez un cinéaste au tempérament contemplatif, obsédé par la nature et sachant la filmer comme personne – mais une nature animée par l’esprit, comme un reflet d’une réalité invisible qui en est le principe et le soutien. Malick, dont le style mouvant semble perpétuellement frémissant d’un souffle léger qui donne à ce qu’il filme la lumière et la vie, exalte tout au long de son œuvre la nature, mais en cinéaste habité par la grâce."
"Qu’il s’agisse d’évoquer des mondes inconnus, la profusion vitale qui anime le monde ou la complicité bienheureuse d’une mère avec son enfant, Malick possède comme personne l’art de renouveler notre regard et, à la manière de Vermeer, de fixer les choses banales avec une intensité telle qu’elles semblent soudain ouvrir une fenêtre sur l’éternité. Le tout au service d’une vision qui possède la simplicité biblique de la biblique vérité : « Sans amour, votre vie passera comme l’éclair. »
ritique de Laurent Dandrieu sur ce blog.

Paris - Delhi - Bombay

Dimanche 4 septembre, beaucoup de monde au Centre Pompidou (c'est aussi parce que le musée d'art moderne est gratuit)...
Quelques photos de ce que j'ai aimé (sachant que l'exposition propose aussi beaucoup de vidéos intéressantes ou impressionnantes comme "Le songe de poliphile" de Camille Henrot par exemple)
Je n'ai pas noté l'auteur de cet ensemble de miroirs brisés dont les traits noirs verticaux sont réalisés à l'aide de "poteux" (ce signe que les indiens posent entre les deux yeux)

Subodh Gupta - Ali baba
Cet alignement de gamelles traditionnelles indiennes me fait penser à celles que j'ai vues près de la gare de Bombay, préparées par les femmes des banlieues et emmenées par une armée de coursiers aux hommes qui travaillent au centre (en effet dans le système traditionnel indien seul quelqu'un de sa propre caste peut préparer son repas, question de pureté).

  

Philippe Ramette - Place publique
Touchant

Je n'ai pas conservé le nom de l'artiste français qui a réalisé ce dessin

Léandro Erlich - reconstitution d’une chambre parisienne dont les fenêtres donnent sur Bombay
(grâce à la projection d’images vidéo)
Une autre vue de "Place publique"

Anita Dube - Silence ou noce de sang
Très étranges ces œuvres faites à partir d'os recouverts de velours...


Du haut du Centre Pompidou, dernier regard sur Paris en ce premier dimanche de septembre...

mardi 6 septembre 2011

Enfant, je pensais que l’été résoudrait tout - Malcolm Lowry


Caspar David Friedrich (1774 - 1840)
Der Mönch am Meer, 1808-1810
Enfant, je pensais que l’été résoudrait tout ;
Cette illusion m’est morte d’avoir vu tant de printemps manqués.
Les fleurs qui s’ouvraient à la maison se fermaient à l’école ;
La jeunesse naissait pour mourir à Liverpool,
Comme en Sierra Leone avec les séismes.
La tentation revenait comme le printemps dans les livres,
Un poème lu dans un magazine à deux sous,
À moitié compris — la vitrine retenant le sens —
Puis disparaissaient avec les filles qui jamais ne se retournaient,
Pâles visages entrevus qu’aspirait le sol.
Alors venait la mer, cobalt ou couleur de whisky,
La vieille nostalgie se portait sur une ville
Toujours au loin, sous un nom différent,
Arkhangelsk, Surabaya, ou Tlalpam…
Puis je compris que je ne cherchais que la mort,
Mais je régnais au seuil du temple,
Furieux de l’espoir qu’une aube séculaire
Apporterait enfin la sérénité.
Pour tout cela je suis encore l’animal qui tète :
La taverne au centre de mon cercle.

Malcolm Lowry, in Les Lettres Nouvelles, mai-juin 1970, pp. 86-87. Traduit de l’anglais par Serge Fauchereau.


J'ai trouvé que le tableau et le poème allaient bien ensemble. Ils sont tous deux tirés du site d'Angèle Paoli Terres des femmes ici pour le poème et là pour le tableau.
Le commentaire du tableau est très intéressant. La version anglaise du poème s'y trouve.

dimanche 4 septembre 2011

Oeuvres - Agathe de Filippi

Découvert quelques œuvres d'Agathe Filippi :

A tire larigot

Sans titre

Sans titre

Sentier
J'aime beaucoup, quelque part du coté de Klee, s'il fallait vraiment faire un lien de parenté esthétique...
Elle fait aussi de très beau tissus :

Il faut aller voir son site.

Au carrefour imprévu, quel chemin prendrai je ? Alem Surre Garcia




Toujours d'Alem Surre Garcia, ce second poème recopié sur le jardin suspendu de Lauzerte, le jardin du pèlerin :

Au carrefour imprévu, quel chemin prendrai-je ? Quel pont ? Sur quel fleuve ?
Il faudra m'a t on dit, traverser bien des landes et quelques hauts plateaux après l'hiver.
Il faudra décrypter la moindre rumeur le long des ogives, le long des linteaux.
Mais saurais-je entrevoir à la fin, dans la pénombre des bois,
Les ailes éployées de cet ange musicien dont on m'a tant parlé ?

Toujours le thème de l'ange...

Me voici enfin de retour - Alem Surre Garcia















Recueilli, le long de mon chemin, dans le jardins du pèlerin de Lauzerte, ce poème de Alem Surre Garcia, un auteur occitan contemporain :

Me voici enfin de retour
J ai traversé le fleuve
Sous les nuages
J ai traversé l'hiver
Dans la lumière
Me voici enfin de retour
Avec sur les lèvres
Cette musique d'ange
Si étrange
Me voici enfin de retour
Étranger à moi même
Apaisé.

Le thème de l'ange me touche toujours, je ne sais pourquoi, ou je le sais trop bien...
Et les trois derniers vers "Me voici enfin de retour / Étranger à moi même / Apaisé" dont j'aimerais qu'ils me correspondent... 

samedi 3 septembre 2011

La petite tristesse du soir | céline jyoti





晚上的一絲憂愁淹沒我滿是淚水的臉
La petite tristesse du soir inonde mon visage de larmes
日間的呼息成了夜裡的震撼
Le souffle du jour fait l’étonnement de la nuit
一滴碧藍填滿我欣喜的墨囊
Une larme d’azur remplit mon encre de ravissement
就這麼的一步,讓我靠近那遙遠的愛
Un pas suffit à me rapprocher de cet amour si lointain
我看着我的年華在雲中飄散
Je vois s’évaporer mon âge en nuage
將至的年華把將逝的青春燃亮
Ma vieillesse à venir illumine ma jeunesse qui s’en va
我的墨黑得把我情感的燈都照亮了
Mon encre est si noire qu’elle irradie mes émotions de lumière
我對自己問的那麼多問題令那些答案都飄走了
Je me pose tant de questions que s’envolent les réponses
情感的園丁、激情的泥土、愛情的肥料
Jardinier de sentiments, terreau de passions, engrais d’amour
你那狂熱的目光裹着我寧靜的軀體
La fureur de ton regard recouvre mon corps de sérénité

Après Xavier Fisselier ici, j'accueille ce poème de Céline Jyoti (plus sur elle sur cieljyoti’s blog).

la beauté, la chambre vide, au bord - Jacques Ancet

« La beauté n’est pas une réponse : une blessure simplement comme une source inépuisable ».
Jacques Ancet, Sous la montagne



La chambre vide (1989-1995)

Le moment où la nuit pénètre le jour
est invisible
comme les deux corps qui s'aiment et s'oublient.

De longs silences les traversent
plus musique que la plus pure musique,
un espace pour disparaître et demeurer pourtant.

Ils ne savent que l'instant
qui n’en finit pas d’être l'autre,

ils ne savent que le sang dans la lenteur des mains,

dans la moiteur de l'impossible
le lent éclair qui trace et foudroie leur image.

Je découvre aujourd'hui Jacques Ancet grâce à Michèle Dujardin sur FaceBook :
"Je suis toujours au bord mais je ne sais jamais de quoi" a-t-elle posté il y a quelques instants.

Plus de poèmes de lui sur le site esprits nomades.
J'en extrais ceci, que je ressens très fort :
"La poésie de Jacques Ancet semble s’inscrire dans un battement de mots, un clignotement des jours. Elle est tapissée de signes invisibles. Les êtres et les choses sont nommés et non possédés. L’attitude à avoir devant ces textes est simple: on se tait et on écoute. On la regarde luire belle et fragile. La poésie de Jacques Ancet ne dit pas, elle résonne. Elle va vers l’envers invisible."