mercredi 29 février 2012

A dangerous method - Cronenberg


Vu récemment ce film.


La mise en scène de Cronenberg est d'une grande énergie.


Les grands débats qui ont agité la psychanalyse à ses débuts sont passionnants et bien retracés :
- La libido est-elle la pulsion déterminante en dernière instance (position de Freud) ou non (position de Jung)
- La libido n'est-elle que l'expression d'un pulsion de vie (position de Freud au début) ou est-elle l'expression contradictoire d'une pulsion de vie et d'une pulsion de mort (ce que Sabina Spielrein découvre et que Freud formalisera plus tard)
- Transfert et contre-transfert, jusqu'où aller avec ses patients...


Le personnage d'Otto Gross est fascinant par rapport à toutes ces questions. Je ne le connaissais pas. C'est un des précurseurs de Wilhelm Reich.
Bref voilà un film très riche !

samedi 18 février 2012

Ghost dance and four rituals - Hedi Zammouri

Vu hier soir ce spectacle de danse au théâtre de Verre. Très impressionnant.

Je reprends ici la présentation de la page FaceBook consacrée à l'évènement :

"GHOST DANCE AND FOUR RITUALS

Laurent Lavolé Manuela Martella Hédi Zammouri

GHOST DANCE AND FOUR RITUALS est une expérience anthropologique et dansée visant à se bricoler nos propres rituels. C’est une performance, au sens d’une anthropologie des religions « en acte ». Il s’agit ici de braconner dans quatre traditions extra-occidentales et pré-monothéistes afin de se ré-approprier des gestes, mouvements et manipulations d’objets anciens.

Ces rites d’animation d’objet sont :

− Le nimgan des nanaï du bassin de l’Amour (Sibérie).
− La consécration de la statue de Jagganath chez les jaïn de Puri, Rajasthan.
− L’animation d’un bouddha sinhalais.
− La danse du masque o hemlout chez les sulka de Nouvelle-Bretagne.

Que tous ces peuples soient ici remerciés !

Comme le suggère son titre, ce qui va se dérouler sous vos yeux est un rite funéraire pour nos pères défunts, ainsi que le résultat d’une réflexion sociétale plus vaste sur la gestion du deuil, la commémoration par le corps, l’expression de révolte, de colère, des besoins de catharsis, ainsi que des bienfaits apportés par la création de rituels personnels.

La danse purificatrice du premier chapitre se base sur les techniques des praticiens du souffle et des respirants holotropiques. Nous nous livrerons ensuite à l’effectuation des quatre rituels suivant la tradition des chamanes psychopompes, ceux qui aspirent l’âme, l’insufflent et la soufflent, afin de la raccompagner à buni, l’au-delà, le monde des morts...

Son

“Mangrove Kipling est un musicien français et plasticien sonore qui vit et travaille actuellement à Berlin, Allemagne. En parallèle à une pratique de la musique électronique sur ordinateur basée sur des enregistrements de terrain et de "straight-mix", la guitare joue un rôle principal dans son univers sonore, et sa voix se mêle aux sons d'objets, de déchets électriques, des fréquences et des impacts de sampleurs et de divers effets afin de perturber le lien entre l'objet que l'on voit ou l'image que l'on s'en fait, et la perception auditive directe obtenue. Un voyage dans un état "hypnosonique".
A travaillé sur de nombreux projets internationaux en collaboration avec la danse, l'art visuel et la performance théâtrale. "

mangrovekipling@googlemail.com

Objet

“Manuela Martella (1982, Allemagne, Italie, France) en tant que designer, plasticienne et danseuse de contact improvisation, elle explore le potentiel chorégraphique d’objets qu’elle conçoit pour le quotidien, ainsi que pour des performances de danse et de théâtre. « Un objet n’existe jamais dans sa singularité, mais dans le rapport avec autrui. Je joue et je fais jouer sur le trait qui essaie de circonscrire ce qui ne veut pas être fixé. »
Après de profondes études, recherches et collaborations artistiques en Allemagne, Italie et France, OBJET SOVAJE marquera le début d’un projet interdisciplinaire en 2012 … “

mnlmartella@gmail.com

Performance

“Hedi Zammouri (1984, France) aborde le mouvement par une pratique assidue des arts martiaux (Viet Vo Dao) durant sept années. Il vient à la danse sur le tard, étudiant les techniques contemporaines et le contact-improvisation simultanément. Il a principalement été formé par Yves Riazanoff, dont la compagnie universitaire Les Attrape-Corps (chorégraphies de la coréenne Hee Jin Kim, et des tunisiens Aïcha N'Barek et Hafiz Dahou) l'a accueilli durant deux années, ainsi que Isabelle Uskï, qui l'initie au outils de composition instantanée et au monde de la performance.
Il a depuis performé auprès de Judit Keri, Mathilde Monfreux et Elisabeth Saint-Jalmes (plasticienne), Dominique Brun et Sophie Gerard, avec qui il exerce ses premières armes avant de se lancer lui-même dans des créations chorégraphiques plus personnelles : A l'envers, Rosamour (Grenoble , Berlin), Extimité.
Il est actuellement en thèse d'anthropologie des religions et s'intéresse tout particulièrement aux liens entre rituel et performance.”

hz@eranos.fr"

vendredi 17 février 2012

Isa Marcelli

Vu l'exposition d'Isa Marcelli au Centre Iris.
Très touché.
Le coté très travaillé des oeuvres (effets de flou, d'ombre, superposition...), la réutilisation de techniques anciennes (Collodion, sténopé) me fait penser à Heinrich Kühn,dont j'avais vu une exposition au musée du Jeu de Paume.
Voici quelques images cueillies de ci de là :




















Qui pourra me donner ce poème de Pessoa parlant de fleurs et qui figure près de l'escalier parmi les beaux tirages d'Isa Marcelli (et que je n'ai pu retrouver sur le web) ?

jeudi 16 février 2012

L'inconsolable - Jean-Marie Straub

J'ai été voir l'inconsolable de Jean-Marie Straub il y a quelques jours.

J'ai vu de lui, il y a très longtemps, les chroniques d'Anna -Magdalena Bach.
C'était au Pax, à Metz, le cinéma d'art et d'essais de la ville où j'ai découvert beaucoup de films et de metteurs en scène.
Or voilà que j'apprends justement, il y a quelques jours, lors d'un entretien de Laure Adler avec Straub, qu'il est né à Metz. De plus, les deux premiers courts-métrages sont inspirés de Maurice Barrès, l'un se nommant Lothringen, l'autre se déroulant sur les pentes du Mont-Saint Odile.
Poussé par une nostalgie récurrente pour ma terre natale, je me suis retrouvé dans la seule salle où il était joué en région parisienne.

Le premier film, "Lothringen", évoque, sur de lents panoramiques de Lorraine, l'annexion de la Moselle et de l'Alsace à l'Allemagne en 1871. J'ai été assez troublé.
 Exemple : on voit la gare et la grande poste de Metz, édifices néo-romans que j'ai toujours trouvés beaux. Straub rappelle que ce quartier de la gare a été édifié par les allemands pour marquer leur présence.
La gare de Metz avec le grand chevalier teutonique qui en garde les portes
La grand Poste de Metz
De même quand se déroule la vue sur Metz depuis la Croix Saint Clément près de Gorze et que le texte dit que de là on pouvait voir l'exode des messins vers la partie restée française de la Lorraine.

La vue sur Metz depuis la Croix Saint Clément
Faut-il raviver ce genre de souvenirs à l'heure où la paix avec l'Allemagne semble faite, où l'Europe se construit ?
Straub affirme qu'il ne faut pas oublier les blessures, même quand elles sont cicatrisées. Les cicatrices restent. C'est leur négation qui fragiliserait une véritable entente entre les deux pays.
Bien qu'un peut sceptique quant à ce raisonnement, je me suis laisser aller à cette promenade sur les lieux de mon enfance.
La cathédrale de Metz, vue de la Moselle.

Les premières photos ne sont pas tirées du film. Celle-ci oui. Je ne sais pas quel paysage est en arrière plan.

Celle-ci aussi est tirée du film. On est sur les bords de la Moselle à Metz. A gauche je pense que c'est l'île du Saulcy.
Les deux images ci-dessus font directement référence à "Colette Beaudoche", le roman de Maurice Barrès, dont Straub s'est inspiré pour Lothringen, une histoire d'amour contrariée entre une jeune Lorraine et un allemand. C'est elle qui renonce à lui car elle ne peut imaginer une relation entre un occupant et une occupée.

Dans le second film, l'héritier, nous sommes cette fois sur les pentes du Mont Saint Odile. C'est l'histoire d'un médecin alsacien qui est resté après l'annexion par attachement à sa terre et à son peuple.

Le Mont Saint Odile, sur le flanc des Vosges domine la vallée du Rhin.

Ces deux photos ne sont pas du film, mais je ne peux m’empêcher de les faire figurer ici.
Nous voici à nouveau dans le film, avec nos deux promeneurs dans les sentiers du mont Saint Odile
Le troisième film est un extrait d'un poème de Pavese sur une interprétation assez particulière de la légende d'Orphée et d'Eurydice. Pourquoi Orphée s'est-il retourné ? Non par impatience de la regarder, mais pour lui éviter de mourir une seconde fois. Après l'interprétation de la légende par Rilke, puis par Ingeborg Bachmann, voici celle de Pavese avec une méditation sur la mort qui est "quelque chose" quand on est vivant, mais n'est rien après. C'est ce vide plus horrible que la mort qu'Orphée veut éviter à Eurydice.

 J'ai été gêné par le caractère très figé de ce film. Mais au moins l'attention n'est pas distraite du texte !

Enfin le dernier film est une fable de Kafka. Je n'en ai pas tiré grand intérêt.

vendredi 10 février 2012

Ingeborg Bachmann - Frère aimé


frère aimé

frère aimé, quand construirons-nous un radeau
et descendrons-nous le ciel?
mon frère aimé, bientôt la cargaison sera trop grande
et nous coulerons.
Mon cher frère, nous dessinons sur du papier
beaucoup de pays et des voies ferrées,
prends garde, avant ces lignes noires d'ici
tu sauteras très haut sur des mines.
mon frère aimé, alors je serai attachée au poteau
et je crierai
mais toi tu chevauches déjà de la vallée des morts
et nous nous enfuyons tous deux.
nous veillons au campement tzigane et veillons dans la tente du désert,
le sable nous coule dans les cheveux,
ton âge et mon âge et l'âge du monde
on ne peut les mélanger avec les années.

ne te laisse pas abuser par les corbeaux rusés
par la main collante de l'araignée et par la plume dans le buisson
et ne mange et ne bois au pays de Cocagne
la lueur mousse au fond des poêles et des cruches
seul qui sur le pont d'or de la fée
sait encore le mot, a gagné.
Je dois te le dire, il a fondu
avec les dernières neiges dans le jardin
De tant et tant de pierres nos pieds sont tellement blessés,
l'un guérit. Avec celui-ci nous voulons sauter
jusqu'à ce que le roi des enfants nous mène avec la clé de son royaume à la bouche,
et nous chanterons.

qu'il est beau le temps où germe le noyau des dattes!
Quiconque qui tombe, a des ailes.
il y a un dé rouge qui coud le linceul des pauvres,.
mon sceau sombre dans la feuille de ton coeur.
Amour, il nous faut aller dormir, sur la pointe des pieds, la pièce est finie,
les chemises blanches gonflent
père et mère disent, la maison est hantée
quand nous échangeons nos souffles

dimanche 5 février 2012

Ingeborg Bachmann - Pays de brouillard


Pays de brouillard

En hiver ma bien-aimée est
parmi les animaux de la forêt.
Qu’avant l’aube je doive rentrer,
la renarde le sait et rit.
Comme les nuages tremblent ! Sur mon
col de neige tombe
une couche de glace brisée.

En hiver ma bien-aimée est
un arbre parmi les arbres et
invite dans son beau branchage
les corneilles infortunées. Elle sait
que le vent, au crépuscule, soulève
sa robe du soir bordée de givre
et me chasse chez moi.

En hiver ma bien-aimée est
parmi les poissons et se tait.
Enchaîné aux eaux qui agitent
du dedans le fil de leurs nageoires,
immobile sur la rive, je la regarde,
jusqu’à ce que le sol me déloge,
plonger, tourner, changer.

Touché à nouveau par le cri de chasse
de l’oiseau qui raidit ses ailes
au-dessus de moi, je m’abats en plein
champ : elle plume
ses poules et me jette un bréchet
blanc. Je le mets autour de mon cou
et m’en vais par le duvet amer.

Infidèle est ma bien-aimée,
je sais que parfois elle plane
sur ses hauts talons vers la ville,
dans les bars elle pénètre les verres
de longs baisers profonds sur la bouche,
et trouve les mots pour tous.
C’est un langage que je ne comprends pas.

Le pays de brouillard j’ai vu,
le cœur de brouillard j’ai mangé.

Ingeborg Bachmann. Traduit de l’allemand par Françoise Rétif.

Trouvé sur ce site .

samedi 4 février 2012

Hölderlin - L'aigle


L’AIGLE

Mon père a survolé le Gothard
Descendant, par où vont les fleuves,
Aussi bien par la bande en Étrurie
Que droit chemin,
Sur la neige aussi,
À l’Olympe et dans l’Hémos
Où son ombre l’Athos projette,
Aux grottes de Lemnos.
Mais au commencement
Des forêts de l’Indus
Aux senteurs fortes
Sont mes parents venus.

L’ancêtre, lui
A volé par-dessus la mer
L’esprit en alerte, et s’émerveilla
Le chef d’or du roi
Du mystère des eaux,
Quand les nues fumaient rouge
Au-dessus du bateau et les bêtes muettes
Échangeant des regards
Rêbaient pâture, et pourtant
Les monts se dressent en paix,
Où ferons-nous demeure ?
[...]

Friedrich Hölderlin, Œuvre poétique complète, édition bilingue, Éditions de la Différence, 2005, pp. 864-865. Texte établi par Michael Knaupp. Traduit de l’allemand par François Garrigue.

Tiré de "Terre de femmes" le blog d'Angèle Paoli.
A noter que sur ce blog se trouve le texte en allemand et trois traductions assez sensiblement différentes.
J'ai eu du mal à choisir celle ci-dessus, chacune ayant ses attraits que les autres n'avaient pas... 

vendredi 3 février 2012

Hanezu l'esprit des montagnes - Naomi Kawase


J'ai été voir le film de Nomi Kawase hier.
Les critiques que j'avais lues étaient assez partagées.
J'ai pour ma part été séduit : la manière dont la force et la beauté de la nature sont rendues, l'attention aux gestes simples des personnages ( les activités de jardinage, la préparation des repas, la teinture des foulards,  la sculpture...).





mercredi 1 février 2012

Ingeborg Bachmann - Isa Marcelli



"En ce jour", pour accompagner Ingeborg Bachmann et le beau poème ci-dessous, une photo d'Isa Marcelli, dont j'ai découvert l'oeuvre hier.
Une exposition d'elle a lieu en ce moment à Paris. Je pense aller la voir.
Pour mieux la connaître, voici son blog et son site perso.


jour en blanc - Ingeborg Bachmann

en ces jours je me lève avec les bouleaux
et je peigne mes cheveux de blé depuis le front
devant un miroir de glace.
avec mon souffle mélangé,
le lait floconne.
si tôt il mousse.
et quand je soulève le carreau, apparaît,
peint par une main d'enfant,
à nouveau le mot: innocence!
après tant de temps.
en ces jours je n'ai plus mal,
de pouvoir être oubliée
et que je doive me souvenir de moi.

j'aime. Jusqu'à la folie
j'aime et je remercie avec des saluts anglais.
je les ai appris en vol.
en ces jours je pense à l'albatros
avec lequel je tournoie
de haut en bas
dans un pays non écrit.

à l'horizon je perçois,
brillant dans le crépuscule,
mon continent superbe,
là-bas en face, qui me congédie
dans la chemise de la mort.

Je vis et entends de loin son chant du cygne

Tiré du site "Esprit nomades".

Toujours Isa Marcelli

Isa Marcelli