vendredi 19 septembre 2014

There are no perfect waves - William Carlos William


There are no perfect waves--
Your writings are a sea
full of misspellings and
faulty sentences. Level. Troubled.

A center distant from the land
touched by the wings of nearly
silent birds that never seem
to rest, yet it bears me
seriously--to land, but without
you.

This is the sadness of the sea--
waves like words all broken--
a sameness of lifting and falling mood.


http://www.english.illinois.edu/maps/poets/s_z/williams/descent.htm

Il n'y a pas d'ondes parfaites
Vos écrits sont une mer
plein de fautes d'orthographe et
phrases défectueuses. Niveau. Troublé.
Un centre éloigné de la terre
touché par les ailes de presque
oiseaux silencieux qui ne semblent jamais
se reposer, pourtant il me porte
sérieusement - atterrir, mais sans
vous.
C'est la tristesse de la mer--
des vagues comme des mots tous cassés--
une similitude de lever et de tomber humeur.

http://www.english.illinois.edu/maps/poets/s_z/williams/descent.htm

mercredi 10 septembre 2014

ASPHODEL, THAT GREENY FLOWER - William Carlos Williams


ASPHODEL, THAT GREENY FLOWER (Book I, excerpt)

Give me time,
                   time.
When I was a boy
                   I kept a book
                                       to which, from time
to time, 
                   I added pressed flowers
                                       until, after a time,
I had a good collection.
                   The asphodel,
                                       forebodingly,
among them.
                   I bring you,
                                       reawakened,
a memory of those flowers.
                   They were sweet
                                       when I pressed them
and retained
                   something of their sweetness
                                       a long time.
It is a curious odor,
                   a moral odor,
                                       that brings me
near to you.
                   The color
                                       was the first to go.
There had come to me
                   a challenge,
                                       your dear self,
mortal as I was,
                   the lily’s throat
                                       to the hummingbird !
Endless wealth,
                   I thought,
                                       held out its arms to me.
A thousand topics
                   in an apple blossom.
                                       The generous earth itself
gave us lief.
                   The whole world
                                       became my garden ! […]

ASPHODÈLE (Livre I, extrait)

Laisse-moi le temps,
                   le temps.
Quand j’étais petit garçon
                   je conservais un livre
                                       dans lequel, de temps
à autre,
                   je pressais des fleurs
                                       jusqu’au jour où
j’eus une belle collection.
                   L’asphodèle,
                                       comme un présage,
en faisait partie.
                   Je t’apporte,
                                       ressuscité,
un souvenir de ces fleurs.
                   Elles étaient suaves
                                       quand je les pressais
et conservaient
                   longtemps
                                       de leur suavité.
C’est un parfum curieux,
                   un parfum moral,
                                       qui m’amène
auprès de toi.
                   La couleur
                                       disparut la première.
Je dus relever 
                   un défi,
                                       ta chère personne,
moi, simple mortel,
                   gorge de lys
                                       à l’oiseau-mouche !
Une richesse infinie,
                   pensai-je,
                                       me tendait les bras.
Un millier de thèmes
                   dans une fleur de pommier.
                                       La terre, en sa prodigalité,
ne nous refusait rien.
                   Le monde entier
                                       devint mon jardin ! […]

William Carlos Williams, Asphodèle, suivi de Tableaux d’après Bruegel, édition bilingue, Éditions Points, 2007, pp. 32-37. Traduit de l’anglais (États-Unis) et présenté par Alain Pailler.


Tiré de ce blog : http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2011/05/william-carlos-williams-asphod%C3%A8le.html

samedi 22 décembre 2012

Ne fais pas de ta vie un désert - Robert Marteau


Le pollen de la crépide

Ne fais pas de ta vie un désert. N’en expulse
Ni Dieu ni les divins qui t’ont permis de vivre
Un peu plus qu’un instant ici même où tu es
Sans que tu saches la raison. entre les herbes,
Le ruisseau brille et nous murmure quelque chose
Que nous ne comprenons pas, bien que le chant,
L’eau, en soit clair. Pas plus, tu ne déchiffres l’A
B C que la buse épelle en miaulant sur
Son erre, ni le jaune intense des crépides
Face au soleil tout-puissant que les oiseaux noirs,
Haut perchés sur le coteau, acclament. Le vent,
Le perpétuel, quant à lui, propage à notre
Insu, se mêlant aux peupliers, les parties
Du discours qui nous font amèrement défaut .

Robert Marteau – 18 août 1993 (« Registre »)

Crépides...

Les photos sont tirés de ce site 

samedi 13 octobre 2012

A un ami absent - Wang Wei - Marcher jusqu'au lieu où tarit la source




Déjà les araignées de jardin abritent leurs toiles sous mes fenêtres,
Et l’on entend les grillons chanter entre les marches du perron ;
Déjà souffle ce vent froid, qui annonce le déclin de l’année ;
J’ai le cœur triste, et vous, mon maître, quelle impression ressentez-vous ?

Mes yeux demeurent souvent fixés sur votre habitation déserte ;
L’amour de la solitude a conduit au loin celui qui l’occupait.
Mes regards interrogent vainement sa porte oisive et silencieuse :
Le soleil seul y pénètre, éclairant les plantes d’automne de ses rayons affaiblis.

Vous m’avez, il est vrai, fait parvenir de vos nouvelles,
Mais pour m’apprendre qu’aujourd’hui nous sommes séparés par mille li.
Après avoir erré longtemps, comme un étranger, sur des routes inconnues,
Vous avez donc repris le chemin de ces montagnes, où déjà vous vous étiez retiré.

Nous sommes des amis de vingt années,
Et nous ne trouvons pas un jour pour échanger nos sentiments.
Si vous avez eu cruellement à souffrir de la fatigue et de la maladie,
Je n’ai pas eu, de mon côté, de moindres maux à supporter.

Bien que l’automne s’avance, et que vous ne soyez pas de retour encore,
J’espère toujours que l’année ne s’achèvera point, sans que je vous aie revu ;
Mais ce vœu se réalisât-il, combien la réunion durerait-elle !
Ne sera-ce point ma triste destinée de toujours penser à un absent !




Ouang-oey (Wang Wei)

Ouang-oey est né vers la fin du VIIe siècle et fut reçu docteur ès lettres en 713, l’année même où Hiouan-tsoung héritait du pouvoir souverain. Egalement renommé comme poète et comme médecin, il dut à ce double titre d’être tout à la fois recherché par l’empereur, protecteur éclairé des lettres, et par le fameux rebelle Ngan-lo-chan, ce Tartare qui demandait quel animal c’était qu’un poète et à quel usage il pouvait servir. Xerxès essaya vainement, nous dit l’histoire, d’attirer Hippocrate par des présents ; Ngan-lo-chan s’y prit d’une tout autre manière, il fit enlever Ouang-oey et le retint longtemps près de lui. Les biographes nous montrent ce poète-médecin remplissant les devoirs de sa profession, tout en demeurant fidèle à son maître, tantôt soignant, sur un champ de bataille, les blessés de l’armée rebelle, tantôt ne craignant pas d’improviser, à la table même du chef barbare, des vers en l’honneur de son légitime souverain.

Après la mort de Ngan-lo-chan et la pacification de l’Empire, Sou-tsoung, qui avait succédé à son père, nomma Ouang-oey gouverneur de Sou-tcheou. C’était un poste considérable, mais auquel il préféra bientôt le repos et la solitude ; il se retira dans une maison de campagne, qu’il possédait au milieu d’un pays montagneux, pour y mener jusqu’à son dernier jour cette existence contemplative, si chère à tant de lettrés chinois.

Ouang-oey professait le culte de Bouddha ; il ne couchait que dans un lit de cordes (un hamac probablement). Il n’épousa qu’une seule femme, la perdit jeune encore, et ne se remaria point. Il mourut à l’âge de soixante-deux ans, laissant pour son frère, devenu Premier ministre, et pour plusieurs de ses amis, des lettres empreintes d’un grand détachement des choses de ce monde, où il les engage à se replier sur eux-mêmes, et à épurer leur cœur.


Les images et les textes de cette page, tous de Wang Wei, sont issus de ce site sur la poésie chinoise.

Mais j'ai découvert Wang Wei par Michèle Dujardin par ce court poème :

Marcher jusqu'au lieu où tarit la source
Et attendre, assis, que montent les nuages
Parfois, errant, je rencontre un ermite :
On parle, on rit, sans souci du retour



lundi 16 juillet 2012

Il y a eu des pluies - Luce Guilbaud


[IL Y A EU DES PLUIES]

[extrait de 2. LA DEMOISELLE D’ESPÉRANCE]

Il y a eu des pluies des pluies encore
des voyages retenus
et toi dans les rêves
avec tremblements
soie sur la peau
dans la distance sans mesure

les couleurs ont traversé les pluies
et l’attente en gris avec rouge carmin au centre

on a vu des fleuves sortir de leur lit
pour entrer dans la gorge
ne reste que la boue et le trouble

les feuilles tombent
et les gestes se figent
les arbres familiers (des pommiers mêmes)
abattus par l’orage
fructifient encore

des pommes plein les paniers
des noix des nèfles des champignons
c’est l’abondance
mais le cœur a d’autres faims

je lis j’écris dans les fougères roussies
nos lettres se croisent au-dessus

parfois je t’inventais.

Luce Guilbaud, “2. La demoiselle d’Espérance” (extrait), in Nuit l’habitable, Les Arêtes éditions, Collection Au bord du livre, 17000 La Rochelle, 2012.

L'image est de Sarah Jarrett.

mardi 10 juillet 2012

Verticale je suis - Sylvia Plath - Sarah Jarrett



Verticale je suis (28 mars 1961)

Mais je préférerais être horizontale.
Je ne suis pas arbre avec mes racines dans le sol
suçant à moi minéraux et amour maternel
afin qu’à chaque mars je puisse être éclaboussure de feuilles

Non plus ne suis la beauté d’un jardin allongé
arrachant des ah enthousiastes et peint de façon baroque
sans savoir que je perdrai mes pétales
par rapport à moi, un arbre est immortel
et si petite la tête d’une fleur, mais plus saisissante
et tant je voudrais la longévité de l’un et la hardiesse de l’autre.

Cette nuit, dans l'infinitésimale lumière des étoiles,
les arbres et les fleurs ont déversé leurs odeurs froides
Je marche parmi eux, mais aucun ne me remarque.
Parfois je pense que lorsque je dormais
je devais parfaitement leur ressembler -
Pensées parties dans le sombre.
Cela serait si normal pour moi, de m'étendre.
Alors le ciel et moi parlons franchement,
et je serai enfin utile quand je reposerai pour de bon:
alors les arbres pour une fois me toucheront peut-être, et les fleurs auront du temps pour moi.

L'image est de Sarah Jarett (cf sa page Google+ ici)

dimanche 8 juillet 2012

Faust - Sokourov

Vu le Faust de Sokourov il y a maintenant 15 jours dans le tout nouveau cinéma d'art et d'essais de Grenoble "Le Mélies". Salle sentant encore le neuf. Bu avec Dévi un diabolo menthe à la terrasse.
Et le film, pour lequel j'ai attendu avant de réagir, que me reste-t-il maintenant, après ce temps passé ?
La force esthétique des images, l'hymne à la beauté, celle de Margarete (le choix des images sélectionnées ici le montre bien) qui éblouit sur le fond d'horreur que décrit le reste du film. Quelque chose de l'ordre du  sublime. Je reprends ici un extrait du blog de Claude Stéphane Perrin à propos du sublime :
"L'expérience esthétique déploie en réalité de multiples cer­cles, plus ou moins larges, entre les chaos et l'ordre. Ceux du sublime sont les plus sacrés, c'est-à-dire ceux qui confrontent simultanément tous les autres. Ils sont donc à la fois grandioses et terribles. À l'inverse du plaisir du joli qui fonde des inter­prétations plutôt claires et compréhensibles, l'expérience du sublime est confuse. Elle est éprouvée verticalement et simul­tanément menacée par deux infinis (l'un du plus grand que le grand, l'autre du plus petit que le petit). Cette vérité, si vérité il y a, est éminemment subjective et affective."


Le film de Sokourov nous confronte à l'abject, au grandiose et au sublime.
"L'entropie des corps et les formes temporelles sont donc la grande affaire du personnage de Faust mais aussi de l'esthétique de Sokourov. Le cinéaste n'a jamais filmé que des tombes et des sépulcres envahis de végétation et d'animalité bruissante, élevant une stèle secrète à l'union contrariée entre l'homme et sa finitude. Dans ces longs plans-séquences où les paysages ne sont jamais qu'intérieurs, s'éternisent des départs et des séparations sous le regard subjectif d'une caméra pinceau. Or, c'est justement de ce tombeau que cherche à s'échapper son Faust, prêt à aller y chercher Mephisto pour qu'il lui offre l'éternel jeunesse de la chair et le franchissement du Styx." Extrait de la critique de Chronic'art