jeudi 16 juin 2011

Un poème de Sophia de Mello Breyner Andresen et un tableau de Josep de Togores i Llach

Je ne sais plus comment, au hasard de ma navigation pleine de méandres sur le net, je suis arrivé à ce poème et à ce tableau. J'aime le poème, mais j'aime encore plus le tableau : quelle plénitude, quelle paix, quel bonheur...

Mer
 
Parmi tous les lieux du monde
J'aime de l'amour le plus fort et le plus profond
Cette plage extasiée et nue,
Où je me fonds à la mer, au vent et à la lune.
 
Je sens la terre les arbres et le vent
Que le printemps gonfle de parfums
Mais en eux je ne désire je ne recherche
Que l'exhalaison sauvage de la houle
Montant vers les astres comme un cri pur.
 
Sophia de Mello Breyner Andresen (Porto, 1919 - Lisbonne,  2004).

Josep de Togores i Llach (Sardañola del Vallés, Barcelone, 1893 - Barcelone, 1970), Desnudos en la playa, Nus à la page, 1922.

Tiré du  blog de Patricia Tutoy.

dimanche 12 juin 2011

Sestina - un poème d'Elizabeth Bishop

Sextine

Une pluie de septembre pleut sur la maison.
Dans le jour qui décline, la vieille grand-mère
est assise dans la cuisine avec l'enfant,
à côté de La Petite Merveille (un poêle),
à lire les plaisanteries de l'almanach.
Elle rie et bavarde pour masquer ses larmes,
 
pensant que ses sanglots équinoxiaux, ces larmes,
et la pluie qui bat sur le toit de la maison
avaient été prédits tous deux dans l'almanach,
déchiffrables par les yeux des seules grands-mères.
La bouilloire de fer fredonne sur le poêle.
Elle coupe du pain et annonce à l'enfant.
 
Viens, c'est l'heure du thé maintenant, mais l'enfant
scrute au récipient les menues, les dures larmes
qui dansent follement au feu du sombre poêle,
comme la pluie sans doute au toit de la maison.
Puis, pour faire un peu d'ordre, la vieille grand-mère
raccroche à son cordon le subtil almanach.
 
Ainsi que le ferait un oiseau, l'almanach
branle, ouvert à demi sur le chef de l'enfant,
branle sur la tête de la vieille grand-mère
et sur sa tasse qu'emplissent de brunes larmes.
Frissonnant, la vieille femme dit La maison
est glaciale ; elle jette des bûches au poêle.
 
Il fallait qu'il en fût ainsi, gronde le poêle.
Je sais ce que je sais, rétorque l'almanach.
Dessinant avec des crayons une maison
rigide et un chemin qui serpente, l'enfant
ajoute un homme aux boutons qui semblent des larmes
et vient fièrement le montrer à la grand-mère.
 
Mais, tout secrètement, alors que la grand-mère
comme elle peut s'active aux alentours du poêle
voici que les lunes, menues comme des larmes,
qui se détachent des pages de l'almanach,
viennent tomber sur le lit fleuri que l'enfant
a soigneusement placé devant la maison.
 
Temps de planter des larmes, a dit l'almanach.
Grand-mère chante pour la merveille du poêle;
l'enfant dessine une autre, inscrutable, maison.

Sestina


September rain falls on the house.
In the failing light, the old grandmother
sits in the kitchen with the child
beside the Little Marvel Stove,
reading the jokes from the almanac,
laughing and talking to hide her tears.
 
She thinks that her equinoctial tears
and the rain that beats on the roof of the house
were both foretold by the almanac,
but only known to a grandmother.
The iron kettle sings on the stove.
She cuts some bread and says to the child,
 
It's time for tea now; but the child
is watching the teakettle's small hard tears
dance like mad on the hot black stove,
the way the rain must dance on the house.
Tidying up, the old grandmother
hangs up the clever almanac
 
on its string. Birdlike, the almanac
hovers half open above the child,
hovers above the old grandmother
and her teacup full of dark brown tears.
She shivers and says she thinks the house
feels chilly, and puts more wood in the stove.
 
It was to be, says the Marvel Stove.
I know what I know, says the almanac.
With crayons the child draws a rigid house
and a winding pathway. Then the child
puts in a man with buttons like tears
and shows it proudly to the grandmother.
 
But secretly, while the grandmother
busies herself about the stove,
the little moons fall down like tears
from between the pages of the almanac
into the flower bed the child
has carefully placed in the front of the house.
 
Time to plant tears, says the almanac.
The grandmother sings to the marvellous stove
and the child draws another inscrutable house.
 
Tiré de ce blog auquel je suis arrivé en trouvant un autre poème
d'Elizabeth Bishop sur le blog de Jane Librizzi Blue Lantern.

 

vendredi 10 juin 2011

Minuit à Paris - Woody Allen


Enfin vu le dernier film de Woody Allen, beau conte léger, ironique et tendre comme à l'accoutumé chez Allen. La parabole autour du syndrome de l'âge d'or est intéressante, l'analyse des rapports de couple toujours aussi fine et désespérée (malgré le "happy end" !) Le personnage de Gil est très attachant avec son air perdu et sa problématique de choix de vie. Celui d'Hemingway est impressionnant. D'où vient que je suis cependant un peu déçu ?

lundi 6 juin 2011

Les noces de Figaro à l'Opéra Bastille

 Un petit extrait, celui qui m'a le plus touché, allez savoir pourquoi ?!

Voici les paroles :
L'air de Chérubin"
Extrait des Noces de Figaro - Mozart
Livret de da Ponte (adapté de Beaumarchais, "Le mariage de Figaro")

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Voi che sapete che cosa è amor,
Donne, vedete s'io l'ho nel cor.
Quello ch'io provo vi ridirò.
E per me nuovo, capir nol so.

Sento un affeto pien di deir,
Ch'ora è diletto, ch'ora è martir.
Gelo, e poi sento l'alma avvampar
E in un momento torno a gelar;
Ricerco un bene fuori di me,
Non so ch'il tiene, non so cos'è
Sospiro e gemo senza voler,
Palpito e tremo senza saper.
Non trovo pace notte nè dì,
Ma pur mi piace languir così.

Voi che sapete che cosa è amor,
Donne, vedete s'io l'ho nel cor.
Quello ch'io provo vi ridirò.
E per me nuovo, capir nol so.

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Vous qui savez ce qu'est l'amour,
Voyez, madame, s'il est dans mon coeur.
Je voudrais vous dire ce que j'éprouve,
Mais c'est si nouveau que je ne puis le comprendre.

Je ressens une langueur pleine de désir,
Parfois douleur, parfois plaisir,
Je suis de glace, quand soudain mon âme s'enflamme,
L'instant d'après me revoici de glace.
Je recherche un trésor en dehors de moi-même,
Je ne sais qui le tient, j'ignore ce qu'il est.
Je soupire et je gémis malgré moi.
Je tremble et je palpite, sans savoir pourquoi.
Je ne trouve le repos, ni le jour ni la nuit.
Cependant il me plait de languir ainsi.

Vous qui savez ce qu'est l'amour,
Voyez, madame, s'il est dans mon coeur. 
Je voudrais vous dire ce que j'éprouve,
Mais c'est si nouveau que je ne puis le comprendre.