vendredi 15 juillet 2011

Méditerranée - Rosanna Warren

Traduction d’Aude Pivin


– quand elle disparut sur le chemin devant moi,
je m’appuyai contre un chêne tordu, tout ce que je vis fut la lumière du soir où elle
[avait été :

une lumière de poussière et d’or où un instant avant
et trente-huit ans plus tôt,

ma mère bien en chair allait devant moi, chapeau de paille, maillot de bain et chemise
[flottante dans le vent,
tous les après-midi d’été, un sac en toile sur le dos,

elle marchait en sandales d’un pas ferme sur le chemin de pierres
en remontant de la plage,

et moi derrière qui ruminais mes petites rébellions en observant les chênes-lièges
[nains,
leur écorce pleine de pustules à côté des gros chênes noués par le vent

tandis que des javelots de lumière jaillissaient de la mer et s’abattaient entre les
[troncs.
J’avais quelque chose à dire, à douze ans

une question à laquelle elle n’avait pas répondu,
et hier, en la voyant marcher avec une telle clarté devant moi

il revint soudain, le mot sur le bout de la langue ; et ce qui fut mystérieux
n’était pas sa présence, là, dix ans après sa mort,

mais qu’elle s’évanouisse brusquement, laissant le crépuscule prendre sa place –

Rosanna Warren est un poète américain dont l’œuvre est largement reconnue aux Etats-Unis mais encore inédite en France. Elle est née dans le Connecticut en 1953. Elle a publié cinq recueils de poèmes aux États-Unis pour lesquels elle a reçu de nombreux prix. Le dernier, Ghost in a Red Hat, vient de paraître en mars 2011. Ce poème, Fantôme au chapeau rouge, qui donne son titre au recueil, évoque la France qu’elle connaît bien pour y avoir vécu dans sa jeunesse. Plusieurs de ses poèmes illustrent diversement ce lien très fort avec qu’elle entretient avec la Provence notamment, et surtout avec la poésie française. Elle vit à Boston et enseigne la littérature à l’université de Boston.
Des poèmes, traduits par Aude Pivin, ont paru dans des revues françaises : Pleine Marge n° 39, juin 2004 ; Jardins n°1, décembre 2009 ; Poezibao , novembre 2010 ; Dans la Lune, janvier 2011 ; Rehauts n° 27, printemps 2011 ; Conférence, automne 2011.
Rosanna Warren, traduite par Aude Pivin, sur remue.net
Aude Pivin sur remue.net
11 juillet 2011

jeudi 14 juillet 2011

Louise Labé - 2ème sonnet


Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues,
Ô jours luisants vainement retournés !

Ô tristes plaints, ô désirs obstinés,
Ô temps perdu, ô peines répandues,
Ô milles morts en mille rets tendues,
Ô pires maux contre moi destinés !

Ô ris, ô front, cheveux bras mains et doigts !
Ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant de flambeaux pour ardre une femelle !

De toi me plains, que tant de feux portant,
En tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en ai sur toi volé quelque étincelle.
 

mercredi 13 juillet 2011

Plus clairvoyant qu'Ulysse - Louise Labé


Si jamais il y eut plus clairvoyant qu'Ulysse,
Il n'aurait jamais pu prévoir que ce visage,
Orné de tant de grâce et si digne d'hommage,
Devienne l'instrument de mon affreux supplice.

Cependant ces beaux yeux, Amour, ont su ouvrir
Dans mon coeur innocent une telle blessure
-Dans ce coeur où tu prends chaleur et nourriture-
Que tu es bien le seul à pouvoir m'en guérir.

Cruel destin ! Je suis victime d'un Scorpion,
Et je ne puis attendre un remède au poison
Que du même animal qui m'a empoisonnée !

Je t'en supplie, Amour, cesse de me tourmenter !
Mais n'éteins pas en moi mon plus précieux désir,
Sinon il me faudra fatalement mourir.

(Sonnet I en italien, transposé en alexandrins, 

Oeuvres complètes, édition Garnier-Flammarion.
 
A entendre par la compagnie Das Plateau ici 
  
J'ai trouvé le poème sur ce site.   

jeudi 7 juillet 2011

Corto Maltese

J'ai vu l'exposition Hugo Pratt hier soir à la Pinacothèque. Voici quelques images que j'ai retrouvées et que j'ai aimées :


Hugo, Corto et les mouettes...


Cette image fait partie d'un tryptique qui est présenté à la Pinacothèque


Le thème des indiens...


mardi 5 juillet 2011

La voix matinale - Sylvie Durbec

la voix c’est aussi cette feuille trouvée
sur la table au petit déjeuner alors que
tristesse s’était assise à la table inquiète
et puis feuille rousse dépliée un baiser
allège de son poids petit l’ajournée
devenue le temps de l’action et de dire
un jour à construire dans le désir

J'ai trouvé ce poème en lisant les carnet d'Eucharis de Nathalie Riera.