jeudi 15 mars 2012

Nan Goldin - Scopophilia

Quelques images pour me souvenir du diaporama de Nan Goldin vu au Louvre fin 2010


Cupidon tombant amoureux de Psyché

Jeune hermaphrodite endormi

Pygmalion et Galatée









mercredi 14 mars 2012

Patti Smith - Masques d'amour - August Sander

Une photo d'August Sander
MASQUES D’AMOUR

ô livre de mon salut pas de crime plus doux pas de parfum plus entêtant
pas de neige plus légère que ton livre volé toi rimbaud
face de marin dont je cachais les mots sous mon corsage contre mon sein
– brouillon de l’Usine à Pisse

Les années me virent grandir tout en longueur bras et jambes devenir gauche et inexplicablement à part. Je cherchai ma famille sans la trouver. Ah ! comme tu m’as délivrée ! Tes mains de paysan plongeaient à travers le temps pour étreindre mon jeune cœur. Tes poèmes, trouvés dans un kiosque près de la gare des bus Greyhound où j’allais traîner et rêver de fuite, furent le billet qui me délivra de mon existence cloîtrée. Tes mots que je ne saisissais pas, déchiffrés à la lecture du sang, illuminèrent mon adolescence. Armée de toi je m’échappai de la suffocante campagne du sud du New Jersey, quittant les rues ancestrales pour le New York des rats poètes et du trafic public. J’écrivais, ton portrait au-dessus de ma table de travail, me jurant qu’un jour j’irais sur tes pas, habillée de ma casquette et de mon manteau du moment.

Patti Smith by Linda Smith Bianucci
Patti SMITH - Présages d'innocence / Auguries of Innocence p. 127
Christian Bourgois Editeur, 2007
Textes traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Darras

J'ai trouvé ce texte dans les "Les carnets d'Eucharis" de Nathalie Riera.
L'original en anglais y figure aussi, ainsi qu'un second texte "Allongée dans le courant elle rêvait à August Sander".

mercredi 7 mars 2012

Une telle Volupté - Emily Dickinson - Florent Dutarque




J’essayais d’imaginer Solitude pire
Qu’aucune jamais vue –
Une Expiation Polaire – un Présage dans l’Os
De l’atrocement proche Mort –

Je fouillais l’Irrécupérable

Pour emprunter – mon Double –
Un Réconfort Éperdu sourd

De l’idée que Quelque Part –
À Portée de Pensée –
Demeure une autre Créature
De l’Amour Céleste – oubliée –

Je grattais à notre Paroi
Comme On doit scruter les Murs –

Entre un Jumeau de l’Horreur – et Soi –
Dans des Cellules Contiguës –

Je parvins presque à étreindre sa Main,
Ce devint – une telle Volupté –
Que tout comme de Lui – j’avais pitié –
Peut-être avait-il – pitié de moi –

(Cahier 25, N°532)




Ce poème est tiré du site des éditions José Corti.

Les photos sont de Florent Dutarque (Cf. son site)  que j'ai connu sur Plateform Magazine grâce à Candice Nguyen.

dimanche 4 mars 2012

La terre est brève - Emily Dickinson

Georges de la Tour - La madeleine à la veilleuse
Je me dis : la Terre est brêve –
L’Angoisse – absolue –
Nombreux les meurtris,
Et puis après ?

Je me dis : on pourrait mourir –
La Meilleure Vitalité
Ne peut surpasser la Pourriture,
Et puis après ?

Je me dis qu’au Ciel, d’une façon
Il y aura compensation –
Don, d’une nouvelle équation –
Et puis après ?
(Cahier 20, N°301)

Découvert ce poème d'Emily Dickinson sur le site des éditions Corti.

Me semble bien correspondre aux leçons de ténèbres :

vendredi 2 mars 2012

Emily Dickinson - Le bruit dans la Mare, à Midi surpasse mon piano...


“ Vous me demandez quels sont mes compagnons : les Collines — Monsieur — et le couchant — et un Chien — aussi grand que moi — que mon Père m’a acheté — Ils valent mieux que des Êtres — parce qu’ils savent — mais sont muets — et le bruit dans la Mare, à Midi — surpasse mon piano. J’ai un Frère et une Soeur — ma mère ne se soucie pas de la pensée — Père, trop absorbé par ses Dossiers — pour remarquer ce que nous faisons — Il m’achète beaucoup de Livres — mais me supplie de ne pas les lire — car il craint qu’ils n’ébranlent l’Esprit. Ils sont religieux — sauf moi — et chaque matin, s’adressent à une Éclipse — qu’ils appellent leur "Père". Mais j’ai peur que mon conte ne vous lasse — je voudrais apprendre — Pourriez-vous me dire comment grandir — ou est-ce intransmissible — comme la Mélodie — ou la Magie ? ”

(Extrait de la lettre à Higginson du 25 avril 1862)
 Emily Dickinson | Lettres aux amies et amis intimes
Domaine Romantique, éditions Corti, mars 2012
Traduction de Claire Malroux

Le site des éditions José Corti donne ce commentaire :
   
"Claire Malroux a rassemblé en un seul volume les correspondances féminines et masculines de Emily Dickinson, publiées il y a quelques années.
Ces correspondances ont un point commun : elles ont poussé Emily Dickinson à forger une prose aussi incandescente que sa poésie, à créer une forme littéraire sans équivalent. Un entrelacement de prose haussée au niveau de la poésie, et de poésie, tantôt ramenée presque au niveau de la prose, tantôt culminant en fulgurations ou éblouissantes condensations. On pourrait parler de texte-Centaure, ou plutôt de texte-Pégase, dont le corps de prose-cheval battrait au rythme d’ailes de poésie.
     Lettres de haut vol, donc, gardant intacte, au travers d’émotions contradictoires ou de surprenants messages, la force du secret d’où procède toute l’œuvre.
 

“Une lettre me donne toujours l’impression de l’immortalité parce qu’elle est l’esprit seul sans ami corporel. Tributaire dans la parole de l’attitude et de l’accent, il semble y avoir dans la pensée une force spectrale qui marche seule — Je voudrais vous remercier de votre grande bonté mais n’essaie jamais de soulever les mots qui m’échappent.”
Emily Dickinson, Lettre à Thomas W. Higginson de juin 1862


Plus qu'aucune autre correspondance, peut-être, celle de Emily Dickinson est une œuvre de création, un terrain littéraire ou dramatique où le poète est à la recherche d'un moi à la fois réel et fictif, plus authentique que le moi perçu par le société. Un dialogue entre soi et soi, devant un tiers privilégié, plus proche que le public inconnu auquel s'adressent en dernier ressort les poèmes.
Emily Dickinson se sent de plain-pied avec les femmes, et sans doute même a-t-elle conscience de la supériorité que lui confère son génie d'artiste. Elle peut partager avec elles à demi-mot certains sentiments, certaines aspirations, s’abandonner aussi, non sans ironie, au bavardage à propos de la vie quotidienne, se défouler de la tension à laquelle la soumet son activité de poète. (C.M.)