dimanche 3 avril 2011

L'amour d'après Hadewijch d'Anvers

Je ne connaissais pas Hadewijch d'Anvers, ni le travail de Lucile Vignon sur des textes sacrés.
J'ai découvert son  adaptation de l'oeuvre de cette mystique flamande du XIIIème siècle hier.
Moment de grâce... Le lieu : la crypte de l'église Saint Sulpice, les lieder de Schuman, Schubert et Mendelsohn  chantés par Lucile Vignon, accompagnée au piano par Tinatin Kiknadze, et surtout les textes de Hadewijch, m'ont profondément ému.

Quelques extraits :
"Qu'est-ce que l'âme ?
L'âme est un être que Dieu voit, et Dieu est visible pour elle. [...]
L'âme est donc une réalité sans fond en laquelle Dieu se satisfait et en laquelle il cherche à se satisfaire toujours davantage en même temps qu'elle se satisfait en lui.
L'âme est un chemin par lequel la liberté de Dieu se fraie un passage au plus profond de lui-même. Et tant que l'âme n'aura pas la totalité de Dieu, elle n'aura pas assez."

Ce n'est que le début de ce passage très beau et très profond que j'aimerais pouvoir recopier tout entier. Il faudrait que je prenne le temps de le faire. La suite fait la distinction entre deux capacités de l'âme : l'amour et la raison, et des voies différentes qu'elles empruntent pour accéder à Dieu.
Un autre passage dont là aussi je ne donne que le début :

"L'amour a sept noms dont vous savez qu'ils lui conviennent : lien, lumière, charbon ardent, feu désignent son fier empire. Les autres sont nobles aussi à jamais insuffisants et d'une résonance éternelle : rosée, source vive, enfer.
Il est lien en vérité, car il attache et soumet tout à sa contrainte. Ce lien est tout puissant : vous ne l'ignorez point, vous qui l'avez goûté.
Il ruine, au beau milieu, nos consolations, et dans nos pires chagrins nous réconforte. Il me serre si intimement que je crois mourir de douleur ; et cependant il conjoint toute chose dans une plénitude unique.
Ce lien unit ceux qui aime de sorte que l'un pénètre l'autre tout entier, dans la douleur ou le repos ou la folie d'amour, et mange sa chair et boit son sang : le cœur de chacun dévore l'autre cœur, l'esprit assaille l'esprit et l'envahit tout entier, comme nous l'a montré celui qui est l'amour même, se faisant notre pain et notre nourriture, et déroutant toutes les pensées de l'homme.
Il nous a fait connaître qu'en ceci est la plus intime union d'amour : manger, savourer, voir intérieurement. Il nous mange, nous croyons le manger, et sans doute le faisons nous. Mais lui-même demeure intact et tellement hors de nos atteintes, de nos désirs, que chacun demeure ce qu'il est et que la distance demeure."

Je trouve ce passage d'une sidérante beauté et surtout d'une étonnante justesse.
Chacun des sept nom de l'amour est ainsi décrit.
Autre passage qui m'a marqué, construit selon le même principe :

"La nature dont procède l'amour juste a disposé qu'en douze heures elle inciterait l'amour à sortir de soi et puis ferait qu'il revienne en soi.
La première de ces heures paradoxales qui font pénétrer l'âme dans la nature de l'amour vient comme suit : soudain  l'amour se manifeste et nous réveille sans que nous lui ayons demandé.
Dans la seconde heure paradoxale, l'amour fait éprouver à notre coeur une mort violente : il le fait mourir sans mort physique. Et cela bien que l'âme ne connaisse l'amour que depuis peu de temps encore.
Dans la troisième heure paradoxale, l'amour nous enseigne les choses auxquelles nous devons mourir ; il nous fait vivre en lui et nous révèle qu'on ne peut aimer sans beaucoup souffrir."

En cherchant les images ci-dessus, j'ai vu que Bruno Dumont a fait un film sur Hadewijch. J'ai très envie de le voir.

Voici les lieder que j'ai le plus aimés, glanés sur Youtube, dans une autre interprétation que celle de Lucile Vignon :

- Seit ich ihn gesehen, Robert Schumann - Carolyn Withers

- Du ring an meinem finger, Robert Schumann - Carolyn Withers 

- Schubert - Schwanengesang, "Ständchen" ("Leise flehen meine Lieder...")

- "Gretchen am Spinnrade" Franz Schubert 

- Barbara Bonney - Suleika, op 34, 4 (Mendelssohn)

 

 

 

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